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Olive & Helmo - Des Mûres et des Champignons
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Olive & Helmo - Des Mûres et des Champignons
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Nouveau défi, pour ce quatrième épisode :)

Voici la liste des 11 mots imposés :

Farfelue / Briqueterie / Ambition / Mojito / Olibrius / Clarté / Saperlipopette / Prégnant / Écureuil / Cataclysme/ Équidistance

 

Rappel + résumé : Olive et Helmo sont de retour, chargés de pièces et d’outils destinés à réparer le ballon accidenté du résistant. Un mauvais quart d’heure attend la jeune femme. 

 

Je remercie Cat’s, Ophélie, Bernadette, Sylvie, Annick, Cell, Aurélie, Carole, Manue, Isa et Eric pour leur participation !

Des Mûres et des Champignons

 

« Vous attendez mon signal, nous sommes bien d’accord ? »

Helmo Normandy récupéra, coincé dans des branchages, le panier d’osier de la jeune femme, dont le couvercle rabattable avait été lesté de pierres.  Il vérifia qu’aucun écureuil n’avait été assez malin pour venir les soulever, piller le contenu du panier et tout remettre en place avant de s’enfuir avec le butin, et lui répondit :  

« Nous sommes d’accord, miss Olive. Je ne bouge pas d’ici. En avez-vous assez ?

– Largement. De quoi faire un clafoutis, et une bonne omelette. »

Elle songea une seconde à redoubler de conseils, à se terrer dans un coin si par exemple il entendait un bruit suspect, mais un homme qui survolait depuis des semaines les frontières les mieux gardées du continent, un homme capable de déjouer à ce point la surveillance de la Calamité d’un côté, celle de la Gendarmerie française de l’autre, n’avait évidemment pas besoin de leçons de prudence et de discrétion.

Encore moins de sa part.

 

Les battements de son cœur s’accélérèrent quand elle aperçut l’ombre, et le pare-choc arrière d’une voiture, garée sur le côté de la maison. Gardant le cap, au milieu du chemin de terre reliant sa maison à la partie septentrionale de la forêt municipale, elle profita de ses derniers instants de solitude pour se plaquer un masque d’innocence naïve sur le visage. Vaguement curieux, comme chacun peut l’être à l’arrivée d’un visiteur non attendu, mais pas davantage. Surtout pas davantage.

 

Un mot l’attendait à sa porte. Elle tendit la main pour en prendre connaissance.

 « Mademoiselle Tornade, nous vous attendions. »

Elle bondit à 180°, une main sur son cœur, l’autre fermement agrippée à l’anse de son panier. Un gendarme français et un agent de la Calamité lui faisaient face. Ils s’étaient très certainement décidés à laisser cette note à son attention, et à revenir plus tard, quand l’un des deux l’avait aperçu sur le chemin, de retour de promenade.

« Nous vous avons effrayé.

– Quel esprit d’analyse, répondit-elle, sur le ton léger de la boutade. Entrez, je vous en prie. »

Le gendarme français ôta le mot punaisé à la porte. Alors qu’elle les invita à s’installer dans le salon-bibliothèque, l’agent de la Calamité lui expliqua qu’il s’agissait d’une simple invitation à se rendre dès que possible au commissariat de la ville, pour répondre à quelques-unes de leurs interrogations.

« Maintenant que nous vous avons sous la main... »

Il ne termina pas sa phrase. Inutile, il y avait mis le ton. Mielleux, et satisfait. Finissons-en tout de suite, voulez-vous ?

Comme si elle avait le choix.

Elle posa son panier sur la table à manger, tira une chaise et s’y posa aussi naturellement que possible. Le calamiteux s’installa galamment après elle. Dans son uniforme noir à boutons d’argent, insigne à l’épaule, et galons d’officier colorés alignés sur le devant, auxquels elle ne comprenait pas grand-chose, il se tint parfaitement droit et immobile.

Le gendarme, ce maudit collabo, se mit quant à lui à fureter des yeux un peu partout, à soulever des objets, des pans de tissu, coussins, tableaux, comme si c’était quelque chose de tout à fait naturel pour un invité. 

Elle le surveilla du coin de l’œil, jusqu’à ce qu’il s’engouffre dans son angle mort, du côté droit. Il passa tout près d’elle dans son dos. Cette saleté de collabo, bouffi d’ambition, dégageait une odeur prégnante de terre et d’eau de parfum bon marché. De terre… 

« Si vous me disiez ce que vous cherchez… commença-t-elle.

– Rien en particulier, asséna le calamiteux. Avez-vous remarqué l’état de vos cultures ?

– Mes tomates ont pris la maladie.

– La maladie ?

– La maladie de la tomate », précisa-t-elle avec un geste impatient de désintérêt, qui engagerait n'importe quel curieux à battre en retraite pour passer au vif du sujet. 

Sauf que le calamiteux n’était pas « n’importe quel curieux ». Non, c’était un des soldats du Chef Suprême de l’Inquisition :

« Un ballon a été aperçu au-dessus de la forêt, tard dans la soirée d’avant-hier, des jets de gaz entendus à proximité.

– Je ne vois pas le rapport.

– Il volait très bas, et a brusquement disparu. Vous n’avez rien entendu ? Rien vu ? 

– Tard avant-hier soir... Je dormais, sans doute.

– Votre potager est labouré, et la toiture est touchée.

– Je ne saurais vous le dire, je n’inspecte pas ma toiture tous les matins. Je peux vous conseiller un peu de lecture, en attendant ? proposa-t-elle en se tournant sur sa chaise, à ce traître de fureteur qui jouait à apparaître et disparaître de son champ de vision. Un thé ?

– Cela ira très bien, mademoiselle Tornade », fit le calamiteux à la place du Français.

Elle reprit sa position. Elle songea soudain qu’avec son beau visage, son corps un peu trop malingre, et sec, l’homme assis à sa table ressemblait à une version imberbe et racornie de… Argh. Ne pas penser à lui, surtout pas.

« Je mets des bouchons d’oreille, dit-elle. À cause de vos machins volants de surveillance. Ils activent mon système de détection.

– Et si l’on venait sonner à votre porte ? Ou et si une alerte de bombardement aérien retentissait ?

– Tant pis pour moi. Au moins je mourrais dans mon sommeil. En temps de guerre, c’est un luxe que je peux bien m’offrir. »

Le calamiteux cligna des yeux. Cela ne lui arrivait pas très souvent. Beaucoup moins que la moyenne, en tout cas la moyenne humainement admise, se dit-elle. Et tendit subrepticement les doigts de sa main droite, qui reposait sur la table. Signe d’impatience.

« Et que faisiez-vous hors de chez vous ce matin ?

– J’avais envie de mûres et de champignons. »

Il jeta nonchalamment un œil sous le couvercle du panier, lui faisant remarquer que ses fruits n’avaient pas l’air très frais.

« Je suis partie aux aurores, et il fait déjà vingt degrés à l’ombre », expliqua-t-elle, presque étonnée de constater à quelle vitesse, et avec quelle aisance lui venait ses réponses.

Dans son élan elle suggéra :

« Peut-être que le pilote a raclé la terre avant de pouvoir remettre un coup de gaz et de repartir par la voie des airs ?

– Vous avez réponse à tout. 

– Oh, eh bien ça alors ! fit-elle, prise de court par ce qui semblait être une accusation. Et voulez-vous que je vous dise ce que je pense de vos interrogations ? »

Sa propre impertinence faillit l’étrangler, comme si elle venait d’avaler un boulon.

Il esquissa un sourire :

« Vous ne nous aimez pas.

Il faudrait que je sois particulièrement crétine. Sans vouloir vous offenser… » fit-elle les yeux en l’air, avec un geste vague en direction du collabo. 

Ce dernier, planqué dans un angle mort, ne sembla pas broncher.

Pas plus que le calamiteux, face à elle. 

De toute façon, elle était déjà sûrement fichée par leurs services. Au vingt-et-unième étage de la Tour de l’Inquisition, huitième porte à droite, section des opposants, sous-section des Français libres suspectés d’accointances avec la Résistance. Quelque chose dans ce goût-là. 

Il avait dû étudier son dossier avant de débarquer. Elle n’allait quand même pas lui cirer les bottes parce qu’il croyait avoir gagné la guerre ? 

« Je n’ai jamais rien tué de plus gros qu’une araignée. Et Dame Nature sait qu’elle était maousse ! Mais vous, vous fusillez des gens innocents, tout ça parce qu’un de vos satanés trains arrive à destination avec une heure de retard.

– Faites attention, mademoiselle Tornade.

– Ne m’emmenez pas sur un terrain si vous le trouvez trop glissant. »

Il grimaça légèrement en secouant la tête, comme s’il avait a expliquer à un enfant qu’il ne reverrait plus jamais sa mère-grand, terrassée par la vieillesse à l’âge de cent-vingt-cinq ans :

« Ce sont les aléas de la guerre. »

Elle prit une profonde inspiration, et la décision de la fermer pour le moment.

Elle lui montrerait bien, là tout de suite, à quoi pouvait ressembler les aléas de la Résistance. Elle l’imagina tomber à la renverse après un bon vieux coup de pelle en pleine face. Adieu petit sourire. Bonjour commotion. Elle se sentait furieuse au point de ne pas frémir au choc, au bruit d’écrabouillement, et à la bouille nasale qui résulterait d’un pareil coup de sang. Elle repensa à l’ignoble insecte à huit pattes qu’elle avait écrabouillé sous sa botte, et pour lequel elle avait éprouvé beaucoup de sentiments contradictoires. Dégoût, et culpabilité, entre autres.

Ressentirait-elle la même chose pour lui ?

Impossible à savoir. Elle n’avait pas de pelle sous la main. Et bien trop de bon sens pour ne pas prendre en compte à temps les conséquences inévitables, et particulièrement désagréables d’un tel geste.

« Saperlipopette ! »

Elle pivota d’un glissement sur sa chaise, pour s’apercevoir que le traître à la nation venait d’être saisi de peur, à la vue d’Helmo, perché sur la bibliothèque. Helmo, son chat, bien sûr, dont les pupilles étaient dilatées, et dont la queue fendait l’air en tout sens.

« Pas de geste brusque, monsieur l’agent. Où j’ai bien peur qu’il vous saute à la gorge. »

Elle refit face au calamiteux et ajouta dans un souffle : « Ce serait une perte. »

« J’ai trois chiens.

– Des chiens de chasse, j’imagine. Rapides et impitoyables.

– Des bichons.

– Oui, bon.

– Pina, Colada et Mojito.

– Comme c’est original.

– Et votre chat, comment s’appelle-t-il ? »

Elle hésita à inventer un nom. Le temps ne s’écoulant pas en sa faveur, elle lança :

« Helmo. Quelle coïncidence ! »

L’indéchiffrable fusilleur d’innocents haussa légèrement les sourcils. Elle se sentit exsangue. D’une lividité cadavérique, rigidité comprise.

« Dites-moi la vérité, mademoiselle Tornade.

– Bon, d’accord ! s’exclama-t-elle : voilà ! J’ai vu très tôt ce matin l’état lamentable de mon potager, comme si un ballon s’y était traîné, avant de reprendre suffisamment d’altitude pour épargner la maison, et j’ai tout remis en ordre avant que vos bidules survolent la zone et détecte un problème. Je n’avais pas envie d’avoir à faire à vous, figurez-vous ! Et… là-dessus, m’a pris cette envie de mûres et de champignons, alors je suis allée me promener en forêt, avec, éventuellement, la possibilité de repérer… un appareil… écrasé quelque part.

– À la recherche d’un blessé.

– J’aime mon prochain, en règle général. Et je me suis fait une spécialité de secourir les petits oiseaux et les écureuils en détresse.

– Mais vous n’avez trouvé que des mûres et des champignons.

– Absolument.

– Qu’auriez-vous fait si vous aviez trouvé un homme en détresse ?

– Je l’aurais mis dans mon panier, bien sûr. »

Il la jaugea longuement de son regard impénétrable. Elle ne broncha pas. Au contraire :

« Sous le double-fond. »

Un silence de mort s’abattit sur eux, comme si Dame Nature avait soudain mis la maison sous cloche.

Le calamiteux reprit la parole :

« Il est à remarquer que vous portez un nom de cataclysme. Très peu propice aux aéronefs, qui plus est. »

Elle eut le temps de cligner quatre fois des yeux. Lui une seule fois, avant qu’elle réponde :

« Et ?

– Encore une de ces coïncidences. Ou plutôt un signe. Une sorte d’avertissement. Les tornades et les aéronefs ne sont pas fait pour s’entendre. »

Sur le score suivant, de trois clignements d’yeux à zéro, elle fronça les sourcils : 

« Il me semble que vous insinuez des choses, mais je n’arrive pas à déterminer exactement ce que vous me reprochez... ce que vous pourriez me reprocher... Si vous pouviez faire preuve d’un tout petit peu plus de clarté... »

Elle entendit à nouveau Helmo grogner, et les pocpoc de sa queue frappant le dessus du meuble où il était perché. Elle pivota pour la énième fois sur sa chaise :

« Allez-vous vous éloigner de cette bibliothèque ?

– Y aurait-il une manette cachée parmi ces livres, qui ouvrirait un passage secret ? s’enquit alors le gendarme.

– Oui, seulement... faites attention dans les escaliers. Ensuite c’est tout au fond du couloir. Un immense entrepôt souterrain où je stocke des armes, des tanks, une usine de dirigeables de guerre, dix-mille boîtes de conserve, et bien sûr, Helmo Normandy et son ballon. Il suffit de basculer en avant le livre sur la Briqueterie de Ciry-Le-Noble, premier meuble, étagère du milieu. Oui. Celui-ci. »

Le gendarme français jeta un regard incertain au calamiteux. Elle se retourna face à ce dernier, qui ne la quittait pas des yeux. Il calculait, mesurait, interprétait, décortiquait, se jouait de ses victimes, tout cela depuis qu’il était né, certainement.

« Ça ne fait rien, fit alors remarquer le gendarme.

– Bien sûr que ça ne fait rien, Philippe. Mademoiselle se paye seulement ta tête. Range ce pistolet. Sors de cette maison, et va en faire le tour. Passe une nouvelle fois le potager au peigne fin, je te prie. Nous pourrions trouver un nouvel indice de ce que nous soupçonnons, qui sait ? 

Olive se raidit à l’allusion du nouvel indice, des soupçons mentionnés et du pistolet. Elle entendit avec un soulagement mitigé la porte de la cuisine s’ouvrir et se refermer.

« Veuillez nous excuser pour le dérangement, mademoiselle Tornade. Je réalise parfaitement combien il est désagréable de répondre à des insinuations d’une telle gravité. Mais rassurez-vous : je ne saurais croire que « la fille du Grand » puisse d’une quelconque façon s’abaisser à la moindre activité criminelle. Au plaisir, mademoiselle. »

Il se leva, ne lui tendit pas la main, s’inclina seulement poliment avant de se diriger vers la sortie.

Elle resta assise.

Déjà fini. Déjà... Bien grand mot. Est-ce que tout s’était bien passé ? Au mieux ? Elle en douta fortement. 

Les minutes suivantes s’égrainèrent mollement. L’alarme extérieure se mit en marche à trois reprises tandis que le calamiteux et le gendarme recherchaient de nouveaux indices dans le potager et alentours. Un bruit de moteur lui signifia enfin leur départ.

Et s’ils faisaient seulement semblant ? Et s’ils s’éloignaient pour mieux revenir, en douce, et surveiller la maison ? C’était ce qu’elle ferait. En tout cas si elle appartenait à la Calamité. Si c’était une charogne. Une collabo. Si elle prenait plaisir à haïr, à fusiller son prochain. Et que ça à faire de sa journée. 

Helmo descendit de la bibliothèque et grimpa sur ses genoux. Elle le caressa, se détendit imperceptiblement au son de son puissant ronronnement. Assez mécontent du peu d’attention qu’elle lui accorda, le félin se dressa sur ses pattes arrières, posa ses pattes avant sur son épaule, et se frotta à son menton. Elle répondit finalement à son insistance, bien que songeuse encore, et lui grattouilla le cou. 

« Bon », fit-elle.

Elle devait envoyer un signal pour faire savoir à Helmo Normandy que la voie était libre.

L’était-elle vraiment ? Le serait-elle jamais ?

Et d’ailleurs, depuis quand les agents de la Calamité prenaient en charge les enquêtes, et les interrogatoires qui allaient avec, de ce côté de la frontière ? Ne seraient-ils pas en train d’empiéter sur les attributions de la Gendarmerie française ? Mauvais. Très mauvais signe que cette porosité de plus en plus épaisse entre le nouveau royaume de Vilenie et la nouvelle France, amputée de la moitié de sa superficie. De ses habitants, de son âme.

« Olive ? »

Elle ferma les yeux de désespoir. Celui d’avoir dépassé son quota journalier de bonds et sursauts en tout genre, de surprises et de frayeurs.  

« Vous ne devriez pas prendre autant de risques. Je n’ai pas envoyé le signal convenu », lui reprocha-t-elle.

Helmo poussa la bibliothèque de l’extérieur pour entrer dans le salon. Il vint s’asseoir en face d’elle, où s’était tenu le calamiteux quelques minutes... un quart d’heure... une heure ? Plus tôt. Le félin bondit au sol et s’éclipsa du côté de la cuisine, où se trouvait sa gamelle d’eau. 

« Ils ont reçu un appel de la Centrale quand ils fouillaient le potager. Urgent. Ils ne vont pas revenir, en tout cas pas dans l’immédiat. Je retourne près du ballon. j’aurais besoin d’une couverture pour la nuit. Une bouteille vide pour la remplir à la source que vous m’avez montré. J’ai de quoi subvenir à mes besoins en nourriture assez longtemps pour réparer et reprendre la voie des airs. Olive, je suis tellement navré. »

Il posa sa main sur la sienne.  

Elle se rendit compte qu’elle s’était complètement figée, que le calamiteux et l’autre olibrius de gendarme, avec leurs insinuations et menaces sous-jacentes, leurs questions et leurs doutes, l’avaient mise dans un état proche de la catalepsie. Elle se reprit du mieux possible et dit :

« Vous vous souvenez du chêne, à équidistance du tunnel et de la source ?

– Je me souviens.

– Je ferai une tarte aux légumes. Et je vous la déposerai demain à midi, juste derrière, dans les fourrés. Vous m’y laisserai un mot, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Je tâcherai de vous l’apporter avant votre départ. »

Il enveloppa sa main chaleureusement entre les siennes. Elles baissa les yeux. Elles étaient aussi fermes et douces qu’elle l’avait imaginé.

« Je voyais en vous une jeune femme maladroite et peureuse. Méfiante, surtout, et farfelue sur les bords. Mais vous êtes courageuse, Olive. Résolue et honnête. Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait pour moi. La façon dont vous m’avez accueilli, et aidé. Ne prenez plus de risques pour moi. Ne venez pas au chêne. »

Il se leva, et elle l’accompagna vers la bibliothèque, dont l’ouverture secrète ne conduisait pas à un immense entrepôt, mais à un passage sous la maison, menant du côté de la forêt où le ballon du Résistant était caché.

Il l’embrassa sur le front.

« Je reviendrai un jour me faire pardonner. Je vous apporterai de beaux plants de légumes. Et nous nous offrirons un excellent dîner en tête à tête.

– Sans faute, accepta-t-elle avec un triste sourire. J’espère que je ne vous ai causé aucun tort.

– Pas le moindre, j’en suis sûr. »

Il lui adressa un dernier geste de la main, et referma la bibliothèque.

Un livre de cuisine, consacré tout entier aux mille façons d’accommoder les restes et les épluchures, bascula et se remit en position dans un clic.

Elle se retrouva à nouveau seule avec son Helmo à quatre pattes, qui revint ronronner à ses pieds. Elle le prit dans ses bras, et essuya une larme sur son visage.

Elle tourna en rond un long moment, déposa l’animal sur son canapé, et ne sachant pas trop quoi faire de sa vie à présent, sa vie inutile, banale et régie par la peur, après cet intermède si intense, elle alla se réfugier dans la cuisine pour préparer une tarte. 

 

à suivre...

 

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© Valérie Macraigne