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Même Combat (Olive / Helmo)
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Même Combat (Olive / Helmo)
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Personnages : Olive et Helmo

Genre : Fantasy / Steampunk

 

Petit défi lancé sur mon Facebook. J’ai demandé 10 mots à mes amis, et obtenu cette liste de 12 mots :

Soir / Saucisson / Baltringue / Hippocampe / Altruisme / Chat / Nodocéphale* et Aramoniste* / Téléachat / Cucurbitacée et vacances.

Mot complémentaire : patibulaire

 

Les voici réunis dans le texte qui suit, qui décrit la rencontre accidentelle entre une résistante de la zone libre, Olive, et un combattant venu de la zone occupée, Helmo Normandy. Ça se passe dans un univers un peu parallèle, fantaisiste, à tendance steampunk, en rapport plus ou moins éloigné avec certaine réalité historique : rien de bien méchant.

 

Je remercie Nadine, Céline, Niflette, Isa, Carole, Cat’s, Cell, Chris, Myriam, Annick et Marie pour avoir rendu ce défi palpitant ^^

 

 

Même Combat

 

Un frémissement terrible extirpa violemment la jeune femme de son sommeil, et de son canapé.

« Qu’est-ce que c’est ?! » s’écria-t-elle, vaguement consciente du temps, de l’espace et d’elle-même.

Sa question résonna étrangement dans l’obscurité.

Elle chercha à tâtons autour d’elle, trouva la table de chevet, puis l’interrupteur de la lampe.

Elle se redressa l’oreille tendue, se demandant l’espace d’un instant si elle n’avait pas rêvé ce grand frémissement. Ce pouvait aussi bien être dû au passage lointain d’un véhicule à moteur, que son esprit avait altéré, et amplifié pour la jeter tout debout, hors de son confortable canapé, le cœur battant la chamade, les yeux grands ouverts dans le noir. Elle commença à se détendre, jusqu’à ce qu’elle perçoive un bourdonnement… Alors elle s’approcha de la fenêtre donnant sur l’arrière de sa petite maison, espérant presque qu’il ne s’agisse que d’un insecte, emprisonné entre le rideau et la vitre.

D’aussi loin qu’elle le put, elle secoua du bout des doigts la paire de rideau. Ce qui ne produit aucun changement notable dans l’intensité du bourdonnement.  

Ça venait de l’extérieur.

Elle tira un des rideaux de côté, colla prudemment son oreille contre la vitre.

La menace se précisa. Des gens discutaient, là-dehors. En plein milieu de son potager. Voix graves, étouffées. Des voleurs de patates !

Malheureusement, elle ne pouvait absolument rien discerner entre les interstices de ses volets. La nuit lui semblait singulièrement… obscure.

Ce qui lui fit aussitôt penser aux détecteurs de mouvements encerclant sa maison. Détecteurs dernier-cri, qui n’avaient rien détecté, en l’occurrence !  

« Saletés ! » marmonna-t-elle en rejoignant le petit escalier en colimaçon conduisant à l’étage.

Elle les gravit en trois bonds, trébucha sur la dernière marche sans y prêter attention.

À travers les volets de la fenêtre de sa chambre, donnant sur le potager, elle n’en vit pas davantage. Il faisait plus nuit que nuit ! Prenant son courage à deux mains, elle ouvrit doucement le battant.

Une voix masculine lui parvint, comme à travers un paravent très épais, mais un peu plus distinctement.

« Nom de nom de nom de nom ! Quel baltringue, ma parole ! »

Son sang se figea dans ses veines, ses yeux s’ouvrirent encore plus grands. Combien étaient-ils ? Qui, pourquoi, d’où venaient-ils ? En voulaient-ils seulement à ses patates, et ses tomates, ou bien à elle ?

Sa main se posa sur le loquet qui maintenait les volets clos. Non ! s’exclama-t-elle intérieurement. Demi-tour, toute ! Elle revint sur ses pas, redescendit précipitamment les escaliers, s’empara au passage de son lance-filet, un ancien modèle de la firme Faribole®, acquis à moins 50% au téléachat il y avait de cela quatorze ans. Pas un pète d’électronique. Que de la mécanique.

Pas comme ces saletés de détecteurs que ce nodocéphale de chez Castor et Fils lui avait installé au mois de Ventôse dernier. Un bijou de technologie, vous allez voir, vous n’allez pas en revenir, ma petite dame, lui avait-il vanté. Ah ça, pour ne pas en revenir, elle n’en revenait toujours pas d’avoir dépensé un seul centime pour se procurer ce matériel de misère. Il n’avait jamais fonctionné que pour lui signaler sa propre présence (à renforts de lumière aveuglante et d’alarme stridente) dans SON jardin, les deux fois où elle avait oublié de le désactiver avant d’aller s’occuper de ses chers et tendres légumes. Il avait fait fuir un renard, une fois. Bon. Mais alors ce soir c’était l’apothéose. Une armée de voleurs de patates tenait conférence dans son potager, et… rien ! Ni lumière, ni alarme ! Servez-vous !

 

Ne prenant pas la peine de désactiver ce fichu bijou de technologie que lui avait vendu ce maître arnaqueur de Castor et son benêt de fils, elle se coiffa d’un casque muni d’une lampe frontale, enfila une paire de bottes, et sortit par le devant de sa maison. Ainsi, elle contourna largement la menace située à l’arrière, s’avançant prudemment sur un terrain qu’elle connaissait par cœur, le doigt sur la gâchette de son lance-filet.

 

Son cœur fit un bond extraordinaire dans sa poitrine quand elle atteignit le coin de la maisonnette. Il lui sembla avec effroi qu’un monstre ailé immense, s’était écrasé dans son potager, pour venir s’échouer en plein contre la façade arrière.

Un long grognement de mécontentement retentit alors dans l’ombre, lui faisant émettre un son grave, en écho :

« Haaaa mais enfin, qu’esssst-ce que c’est que ce machin ?!

– Il y a… hooup ! »

Un bruit sourd, étouffé, lui parvint en même temps qu’un flop.

Elle tourna la tête en tous sens, cherchant à percer la pénombre grâce à sa lampe frontale. Bon sang de bonsoir, elle commençait à appréhender de plus en plus nettement le mystère de cette immense voilure, tombée sur sa maison.   

« Quelqu’un ? Il y a quelqu’un ? reprit la voix. Pardonnez cette irruption ! 

– Qui êtes-vous ? exigea-t-elle en brandissant son lance-filet en direction de la voix.

– Permettez ? J’approche ! Je suis sans arme ! Je lève les mains en l’air ! »

Elle identifia des filets qui emprisonnaient une enveloppe dégonflée, des suspentes, une nacelle renversée, son contenu dispersé, à commencer par son pilote, un grand bonhomme barbu, qui émergea de l’enchevêtrement de cordages comme annoncé : les mains en l’air, grandes ouvertes face à la violence du faisceau dirigé droit sur son visage.

Elle abaissa la lampe sur son casque. Lunettes de pilote relevées sur son front, grand manteau tâché de terre humide, orné d’un écusson brodé représentant un hippocampe multicolore sur fond noir, pantalon de toile épaisse multipoches, bottes à grosses semelles. Il s’arrêta à trois mètres d’elle.

Pour la seconde fois en moins d’une minute, son cœur fit un bond dans sa poitrine.

« Attendez… Nooon… (elle plissa les yeux, s’approcha d’un pas) C’est vous ?

– C’est moi, je le crains, avoua-t-il.

– Helmo Normandy ?

– L’illustre. »

Stupéfaite, elle laissa soudain pendre son arme au bout de son bras, aussi réconfortée par l’absence de menace que représentait son visiteur inattendu, que soulagée à la pensée que le contre-jour induit par sa lampe frontale dissimulait son air ahuri.

« Un héros de guerre dans mon potager. Si on m’avait dit ça ce matin… »

Il sourit piteusement :

« Je suis navré pour les tomates. Il me semble que les pommes de terre n’ont rien. Soit dit en passant : héros de guerre, c’est un peu exagéré. Surtout compte tenu des circonstances.

– Quelles circonstances ? »

Normandy étira les muscles de son cou en faisant rouler sa tête sur ses larges épaules. Après réflexion, il répondit :

« Disons que la raison de ma présence ici tient plus de l’incompétence que de l’altruisme. Puis-je baisser les bras ?

– Je vous en prie. »

Ce qu’il fit, avant de plisser les yeux quand le faisceau traversa à nouveau son visage. Elle ôta alors son casque et s’arrangea pour éclairer l’enveloppe du ballon, plaquée sur la façade de sa petite maison. Sa maisonnette qui n’avait rien demandé. Pas plus que son petit potager, labouré à vif par la nacelle, traînée au sol sur plusieurs mètres avant d’être immobilisée, enfin.

« Vous êtes blessé ?  

– Non, par miracle. J’ai seulement trébuché sur une cucurbitacée, et je me suis affalé dans les cinq litres d’eau que j’avais emportés avec moi dans une barrique. »

D’où le flop.

Elle prit une profonde inspiration, et énonça la décision qui s’imposa à eux, face à l’évidence :

« Bon. On va pas rester là à se les geler... Au fait, je m’appelle Olive. Et vous êtes ici chez moi. Malheureusement, en un sens. Pour le reste… Emballons tout ça avant le lever du soleil. Je ne voudrais pas qu’un appareil de reconnaissance survole la zone, et s’aperçoive de quoi que ce soit ! »

 

Pas moins d’une heure leur fut nécessaire pour décrocher l’enveloppe du ballon du toit, l’enrouler, la replier à l’intérieur de la nacelle, remorquer le tout à l’abri dans le garage, et mettre en jachère toute la partie du potager ratissé par l’appareil lors de son atterrissage d’urgence.  Histoire de ne pas éveiller la suspicion des patrouilles volantes ennemies.

Ils terminèrent exténués, un peu avant l’aube, l’un en face de l’autre à la table de la cuisine, un thé et des gâteaux pour elle, une bière et une brioche au saucisson pour lui, fraîchement sortie du réfrigérateur et réchauffée au four.

« Délicieux.

– Un cadeau de mon père.

– Brave homme.

– Il ne conçoit pas qu’on puisse survivre sans manger de viande.

– Vous êtes végétarienne ?

– Depuis des années, et… (elle écarta les bras) toujours là ! »

Il acquiesça en souriant, s’attaquant à une nouvelle tranche de brioche. Délicieux et bourratif.

« Helmo Normandy, dit-elle alors, songeuse, ne cessant de l’observer à travers la fumée de son thé brûlant. Allez-vous me dire ce qui a provoqué cet accident ?

– Ch’pas idaal de foler la nu’… répondit le héros de guerre, la bouche pleine. Churtout par che froid.

– C’est vrai.

– Les condichions atmochfériques…

– Je vois, je vois, fit-elle, interrompant là ses explications techniques. Et qu’est-ce que vous trafiquez dans les airs, juste au-dessus de la frontière ? »

Il termina d’avaler sa tranche de brioche, profitant de la difficulté pour chercher ses mots. Il n’allait pas lui dire qu’il était en vacances dans le coin. Pas après tous les efforts qu’elle avait consenti pour l’aider à mettre son ballon à l’abri dans sa maison. Surtout pas après lui avoir labouré ses plants de tomates.

« Alors quoi, vous faites passer des gens en zone libre ? insista-t-elle.

– Non, je… plutôt des messages.

– Ah ! Quel genre de messages ?

– … Vous êtes bien curieuse.

– Que devrais-je dire ?! Aramoniste volant, va ! »

Normandy ouvrit de grands yeux étonnés et inquiets, mais elle éclata de rire. Ce qui ne fut pas pour le rassurer totalement. Encore moins lorsqu’elle se mit à faire des bruits bizarres avec sa bouche.

« Qu’est-ce que vous faites ?

– Voyons, monsieur Normandy. Vous et moi : même combat. Helmo, mon gros, viens ici !! 

– Mon gros ? »

Il sursauta et manqua renverser sa bouteille de bière à l’apparition soudaine d’un chat entre les biscuits et le reste de brioche au saucisson. Noir comme la suie, le matou s’assit après un tour sur lui-même tout près de sa maîtresse, l’air patibulaire, ses yeux bleus fixés sur son homonyme à l’autre bout de la table.

« Regarde qui m’a ravagé mon potager, dit-elle en caressant le félin au regard glacial. Helmo Normandy, en chair et en nonos. Tu crois que je devrais lui en vouloir ? »

Sous l’effet des caresses de sa maîtresse, et du son de sa voix, le chat se mit à ronronner.

Immobile, les observant tour à tour, le héros de guerre accidenté but quelques gorgées de bière pour dissiper l’étrangeté de la situation.

Si on lui avait dit ça ce matin…

 

 

à suivre...

--> Chemin de Traverse

 

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*Notes :

Nodocéphale : nom pseudo-scientifique de ce qu’on appelle familièrement une « tête de nœud ».

Aramoniste : syn : ivrogne

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© Valérie Macraigne